Le Congrès mondial et la Conférence nationale ont été ouverts avec des sessions d’opérations de démonstration menées par le Prof. Henryk Skarżyński et son équipe d’otochirurgiens au Centre mondial de l’audition. Plusieurs interventions chirurgicales ont été effectuées chez les patients souffrant de différents types de troubles auditifs, avec une variété de dispositifs d’aide à l’écoute, y compris des implants auditifs. Le Professeur Henryk Skarżyński a performé, entre autres, une opération d’implantation cochléaire par la fenêtre ronde chez les patients avec de la surdité totale ou partielle, en se basant sur sa méthode originale de 6 pas. Il a également mené des opérations de démonstration d’implantation de l’oreille moyenne, et d’autres, ayant pour le but de rétablir la conduction sonore. Il s’agit de l’ossiculoplastie, opération réparatrice de la chaîne des osselets transmettant le son, détruits ultérieurement, suite à une otite ou à un cholestéatome, et la stapédotomie qui est un moyen de traitement de l’otospongiose, consistant à remplacer l’osselet immobile (étrier) par une prothèse.
Cette séance d’interventions de démonstration avait pour le but de présenter les possibilités modernes de traitement chirurgical de troubles de l’audition. Elle était aussi en quelque sorte un aboutissement de 40 ans de travail scientifique et clinique du Prof. Henryk Skarżyński et a évoqué les anniversaires célébrées cette année à l’Institut de physiologie et pathologie de l’audition :
Il y a 30 ans, en 1992, le Prof. Henryk Skarżyński avait effectué, pour la première fois en Pologne, une implantation cochléaire chez un patient sourde. Cette chirurgie novatrice a été un premier pas vers le développement du traitement de la surdité en Pologne.
Il y a 25 ans, en 1997, le Prof. Henryk Skarżyński était aussi le premier au monde à présenter, à New York, un programme nouveau visant à étendre les indications pour l’implantation cochléaire de l’époque qui se limitaient uniquement au cas de la surdité totale. Il a lancé des recherches et a commencé à effectuer des interventions chirurgicales chez les patients avec des pertes auditives profondes qui permettaient à garder des restes auditifs dans la gamme des basses fréquences après la pose d’implant cochléaire. Les résultats prouvaient qu’une pose adaptée d’une électrode d’implant dans l’oreille moyen permettait de garder les restes auditifs aussi bien chez les adultes que chez les enfants. Cette conclusion a été présenté en 2000, lors de la Ve Conférence européenne d’implants cochléaires des enfants d’Anvers par le Prof. Skarżyński et ses collaborateurs, aussi bien que lors du IVe Congrès de la Fédération européenne des sociétés d’ORL à Berlin par le Dr Artur Lorens et ses collaborateurs. L’importance de ces révélations a été immense. Les experts de l’Institut de physiologie et de pathologie de l’audition ont prouvé qu’un fragment de la cochlée qui fonctionnait bien avant l’implantation ne doit pas forcement être détruit. Cela a conduit à émettre l’hypothèse que, dans l’avenir, l’improbable aurait pu se produire : le traitement efficace de personnes atteintes d’une surdité partielle, qui gardent toujours une audition normale ou socialement adaptée dans la gamme des basses fréquences jusqu’à 250 Hz, 500 Hz et 1500 Hz.
Il y a 20 ans, en 1990, le Prof. Henryk Skarżyński a effectué la première implantation cochléaire chez le patient avec la surdité partielle. Auparavant, l’implantation ne se faisait qu’aux cas d’une perte auditive très profonde ou de la surdité totale. Les personnes avec des troubles auditifs ayant des difficultés à comprendre la parole suite à l’endommagement de la partie de l’oreille interne (cochlée) responsable de la réception des sons à haute fréquence (la surdité partielle, en. partial deafness treatment , PDT), n’avaient aucune chance de suivre un traitement pareil. Selon les connaissances disponibles à l’époque, l’insertion d’une électrode d’implant dans la cochlée pouvait causer des dommages irréversibles à la cochlée et perturber les processus impliqués dans l’audition (cette découverte avait valu au Professeur Georg Békésy le prix Nobel en 1961). En se basant sur les résultats de recherches menées entre 1997 – 2000 qui ont démontré la possibilité de garder les restes auditifs après l’implantation, le Prof. Henryk Skarżyński a opéré une patiente atteinte de la surdité partielle, en suivant son procédure de l’introduction de l’électrode par la fenêtre ronde. L’opération effectuée en 2002 a été transmise en direct sur internet à de nombreux centres dans le monde entier. Les résultats étaient magnifiques. Actuellement, cette procédure de 6 étapes de Skarżyński est employée dans des cliniques otochirurgicales partout dans le monde entier. 9 milles d’opérations ont été effectuées seulement au Centre mondial de l’audition.
Le programme du XXXVe Congrès mondial d’audiologie était particulièrement riche. Dans la première journée il y avait des ateliers et des sessions scientifiques concentrés sur le sujet d’adaptation d’implants, le traitement et le diagnostic de plus en plus fréquent d’acouphènes, ainsi que sur les processus de traitement auditif et le trouble de l’audition centrale et, finalement, le dépistage et la détection précoce de pertes auditives. Les experts les plus éminents du niveau international du domaine d’ORL, d’audiologie et phoniatrie, sont arrivés à Kajetany et à Varsovie pour participer au Congrès. Parmi eux, le Professeur Kurt Stephan (Autriche), président de Society of Audiology (ISA), organisateur du Congrès, l’un des plus éminents experts en audiologie et le premier à se servir de recherches sur l’emploi d’examens objectifs de l’audition dans le processus d’adaptation d’implants; Prof. Olivier Sterkers (France), chirurgien de la base du crâne de renommée internationale, Prof. Antonio della Volpe (Italie), un excellent otochirurgien, directeur du programme d’implants cochléaires chez les enfants et d’appareils auditifs à ancrage osseux, Prof. Manuel Manrique (Espagne), un otorhinolaryngologue et otochirurgien éminent, expert en otoneurologie, Prof. James W. Hall (États-Unis), l’un des plus éminents experts en la recherche indépendante sur les examens objectifs de l’audition, et des centaines d’autres experts du monde entier.
Le Congrès a commencé au Centre mondial de l’audition de l’Institut de physiologie et de pathologie de l’audition à Kajetany où, chaque année, le plus grand nombre d’opérations chirurgicales améliorant l’audition sont effectuées. Le Centre dispose de l’équipement et de l’appareillage les plus modernes et applique les solutions de télémédecine les plus récentes. C’est pourquoi, dans la première journée du Congrès, une gamme d’ateliers, animés par d’éminents experts, ont été proposés aux participants, afin d’améliorer leurs compétences pratiques. Ils étaient consacrés aux questions suivantes : l’évaluation auditive chez les nourrissons à l’aide des méthodes objectives, thérapie d’acouphènes, évaluation d’hyperacousie à l’aide des tests auditifs et psychométriques complétée par une anamnèse approfondie ainsi qu’à l’emploi d’imagerie dans les tests du système auditive et du traitement du langage. Ces ateliers se sont tenus au Centre scientifique d’imagerie biomédicale de l’Institut de physiologie et de pathologie de l’audition où, depuis des années, sont menées les recherches sur les processus auditifs à l’aide d’IRM et de la tomodensitométrie .
Il y avait aussi d’autres sessions scientifiques, dont deux ont été consacrées à la pose d’implants cochléaires. Le rôle de cette procédure est très important en ce qui concerne les bénéfices pour le patient. Pourtant, sa complexité a donné lieu à une discussion sur ainsi appelée « l’automatisation de la pose du système d’implant » dans le futur. Actuellement, il n’y a pas d’indications précises concernant le processus de la pose d’implant. C’est pourquoi les recherches scientifiques doivent être continuées, afin de l’améliorer, tout en tenant compte de besoins et de capacités individuels des patients. Lors de la session il était souligné qu’il y avait des groupes de patients nécessitant une pose personnalisée. Ce seraient par exemple les patients avec un trouble du spectre de l’autisme qui ne sont pas toujours en mesure de coopérer suffisamment avec un expert pour lui permettre de prendre une bonne décision sur le réglage des paramètres du processeur vocal, comme il pourrait le faire en suivant les impressions subjectives ou les observation d’un patient avec un implant. Un autre groupe serait constitué de patients avec paralysie du nerf facial. Dans ce cas on utilise d’autres méthodes de stimulation que chez la plupart de patients avec une déficience auditive et d’autres paramètres sont adaptés afin de minimaliser l’irritation du nerf tout en optimisant l’audition en même temps.
Il y a également des patients qui ont à la fois deux implants différents : un implant cochléaire dans l’un oreille et un appareil auditif dans l’autre. Pendant la session présidée par le Prof. Manuel Manriqe, un otorhinolaryngologue et otochirurgien espagnol éminent, spécialisé en otoneurologie, on se demandait comment pouvait-on ajuster ce deux appareillages afin de garantir au patient la meilleure audition possible.
La session a donné lieu à un échange et partage d’expérience au sujet d’ajustement basé sur l’observation et les tests subjectifs (le spécialiste stimule plusieurs électrodes et demande au patient de préciser le volume de sons qu’il entend) et sur les résultats de mesure de biomarqueurs (comme la mesure du potentiel total du nerf auditif évoqué électriquement). Une grande attention a été portée, entre autres, à l’étude de réflexe stapédien qui permet de protéger les patients, notamment les plus jeunes, contre une surstimulation. Le réflexe stapédien est un mécanisme de défense qui protège l’oreille interne contre les traumatismes acoustiques. Quand un son trop fort se produit, le cerveau envoie un signal ce qui provoque la contraction du muscle stapédien. Chez les patients en cours d’implantation, l’émergence de ce réflexe prouve que les sons transmises par le nerf auditif à la partie centrale du conduit auditif sont interprétées comme très forts. Les résultats de l’étude de réflexe stapédien sont particulièrement importants, surtout dans le cas de jeunes patients. En effet, les enfants ne sont pas toujours en mesure d’estimer le volume de sons, et c’est pourquoi il sont plus exposés au risque d’une surstimulation.
Il est à noter que c’était l’un des modérateurs de la session sur le réglage d’appareils cochléaires, le Prof. Kurt Stephan, président actuel d’ International Society of Audiology, qui avait lancé, en 1980, les recherches sur le réflexe stapédien. À l’Institut de physiologie et de pathologie de l’audition c’est depuis longtemps déjà que, à l’étape de réglages de stimulation, l’étude du réflexe stapédien s’effectue. Cependant, ce n’est pas le cas pour tous les centres de l’audition. « L’intérêt que portent les spécialistes à ce sujet, commente le Prof. Artur Lorens, co-modérateur de la session, montre que, après des années des recherches, l’étude du réflexe stapédien gagne en popularité dans la pratique clinique des centres de l’otochirurgie ».
Le programme du XXXVe Congrès mondial d’audiologie était particulièrement riche. Dans la première journée il y avait des ateliers et des sessions scientifiques concentrés sur le sujet d’adaptation d’implants, le traitement et le diagnostic de plus en plus fréquent d’acouphènes ainsi que des processus de traitement auditif et le trouble de l’audition centrale, dépistage et détection précoce de pertes auditives. La journée a été clôturée avec une ouverture solennelle du Congrès par son président le Prof. Henryk Skarżyński et une première mondiale du film documentaire intitulé : « Ma Sonate au Claire de lune », réalisée par Barbara Kaczyńska dont le Professeur Henryk Skarżyński était le consultant médical.
Le protagoniste du film est l’un des patients du Professeur doués pour la musique, lauréat de la première édition du Festival international les « Rythmes cochléaires », Grzegorz Płonka. C’est une histoire extraordinaire : un garçon avec une perte auditive profonde, traité comme un enfant autiste, avec un talent et passion pour la musique ce qui lui donne de la force de se battre non seulement pour améliorer son audition, mais aussi pour graduer une école de musique. Documentée par Barbara Kaczyńska, elle avait été présentée en 2017 lors du Festival des Formes Documentaires NURT à Kielce, où elle avait reçu un Prix Annuel Spécial de la Radio Kielce « pour l’art du son dans la forme documentaire ». La réalisatrice Barbara Kaczyńska avoue que « le son a joué un rôle principal dans le film » car, en récupérant son audition « le protagoniste a retrouvé aussi la possibilité de vivre sa vie pleinement et de manière créative ». Dans le programme du festival, le film a été décrit comme « un exemple édifiant de cinématographie, présentant le sort d’un jeune musicien qui, grâce à la virtuosité médicale du Professeur Henryk Skarżyński, a pu non seulement récupérer son audition, mais aussi amorcer une grande carrière artistique ».
Le troisième jour était réservé à l’échange d’expérience et de connaissances concernant le dépistage et le traitement de troubles de l’audition, y compris le traitement otochirurgical. Une grande partie concernait les problèmes que les otochirurgiens rencontrent dans leur pratique quotidienne, à l’occasion de la pose de différents types d’appareillages chez de différents groupes de patients. L’un des plus importants événements de la troisième journée du Congrès était sans doute la table ronde présidée par le Prof. Piotr H. Skarżyński, concentrée sur la question d’utilisation de différents types d’implants (cochléaire, de l’oreille moyen et à ancrage osseux) et sur la chirurgie reconstructrice. Les experts ont d’abord essayé de choisir le plus important parmi tous les dispositifs utilisés au cours de 5-10 années dernières. Le choix n’était pas unanime, mais selon l’opinion de plusieurs participants ce serait bien Adhear, premier système à conduction osseuse non implantable. Au cours des sessions de différents solutions pour les patients avec la surdité partielle ont été examinées en détail, aussi bien les méthodes non chirurgicales (système CROSS) comme les méthodes otochirurgicales embrassant aussi bien les implants cochléaires et les implants à ancrage osseux.
L’un des sujets qui suscitaient un grand intérêt des participants était le traitement des patients atteints de la surdité unilatérale brusque après avoir contracté la COVID-19. La solution proposée dans ce cas serait l’implantation cochléaire. Ce genre de chirurgies sont déjà effectuées au Centre mondiale de l’audition et les données cliniques sur le déroulement de la rééducation dans ce groupe de patients sont également recueillies, comme le soulignait le Prof. Artur Lorens. Pendant la discussion d’autres sujets ont été abordés également, tels que les modifications des prothèses de l’oreille moyen, l’utilisation de verre bioactif et d’appareillage d’aide à l’audition chez les patients après la stapédotomie, des solutions otochirurgicales optimales pour les patients âgés, et beaucoup d’autres encore.
Parmi les participants de la table ronde, le Prof. Ranjith Rajeswaran de l’Inde, pionnier en audiologie implantaire et en rééducation auditive chez les enfants et adultes avec les implants cochléaires était présent également. Il était le premier en Asie Sud-Est à effectuer le traitement en utilisant implants du tronc cérébral dans le but de restaurer l’audition chez les enfants sans oreille interne et le nerf auditif. C’était justement ce sujet d’implantation du tronc cérébral qu’il avait traitée dans son intervention. La pose d’implants du tronc cérébral chez les enfants est l’une des plus compliquées procédures dans l’implantologie. Elle est effectuée très rarement et, vu que les effets ne soient pas toujours satisfaisants, depuis de nombreuses années son validité est largement débattue par les spécialistes du monde entier.
La corrélation entre les fonctions auditives, visuelles et cognitives semble être un aspect particulièrement important dans ce débat sur l’efficacité du traitement par implantation. Bien que les implants cochléaires améliorent la qualité de vie des patients, les avantages de leur utilisation ne sont pas toujours les mêmes, surtout en ce qui concerne le niveau de la compréhension orale, un processus engageant plusieurs sens : les informations visuelles concernant les mouvements de lèvres sont intégrées avec les informations auditives. D’autres processus cognitifs, tels que le mémoire à court terme, le temps du traitement de stimuli, la concentration, sont engagés également au processus de la compréhension de la parole, surtout là, où le signal de la parole est troublé à cause du bruit ou de perte auditive ou bien encore, si l’audition du patient est supportée par un implant. Actuellement, des recherches sur les interactions entre les capacités auditives, visuelles et cognitives sont menées. On espère qu’une connaissance détaillée de ces corrélations pourrait aider à développer des méthodes encore plus efficaces de rééducation auditive pour les patients implantés.
L’évaluation de l’efficacité du traitement par implant et de la rééducation auditive qui s’ensuit fait l’objet d’un débat entre les spécialistes depuis longtemps. Aussi pendant le Congrès, un panel de discussion a-t-il eu lieu, intitulé : « Les nouveaux méthodes d’évaluation d’avantages d’une implantation cochléaire pour les patients », animé par le Prof. Artur Lorens. La nouvelle méthode serait basée sur le modèle fonctionnel du handicap précisé dans la Classification internationale du Fonctionnement, du handicap et de la santé (CF, International Classification of Functioning, Disability and Health) et définie comme un modèle biopsychosocial intégrée du fonctionnement et du handicap. Il s’agit donc d’évaluer non seulement les profits tirés d’une implantation, à savoir, amélioration de réception sonore, détection, discrimination et identification des signaux de la parole, mais aussi les avantages concernant l’activité et la participation du patient à la vie sociale. Ces derniers peuvent être évalués à l’aide des outils spéciaux (patient-reported outcome measures, PROMs) et les questionnaires. Ce mode d’évaluation d’avantages pour les patients implantés est considéré comme plus complète et objectif. En effet, dans certains cas les patients deviennent plus actifs, participent plus à la vie sociale, bien que les résultats de tests auditifs après l’implantation soient plutôt médiocre, tandis que la vie des autres, dont les résultats de tests sont très satisfaisants, ne change pas beaucoup sur ce plan.
La journée suivante du Congrès abondait dans de plusieurs thèmes. La table ronde animée par le fameux audiologiste, Prof. James Hall de Salus University (Pensylvanie), a été consacrée aux bonnes pratiques de l’audiologie, un ensemble de recommandations et de lignes directrices dans ce domaine de la médecine, conformes à l’état actuel des connaissances médicales, visant à normaliser la gestion du diagnostic et du traitement audiologique. Parmi les propositions offertes aux participants des session il y avait, entre autres, les présentation sur les systèmes de soins auditifs de différents pays, avec maintes références à des solutions télémétriques de plus en plus fréquentes (e-santé, e-dépistage). Au cours de la discussion, les spécialistes de pays où la médecine est beaucoup moins développée qu’en Europe ou en Amérique ont présenté leur point de vue. Parmi eux, l’un des audiologistes du Sénégal, qui, en se référant à la situation difficile du système de santé sénégalais et au manque de possibilité d’éducation en audiologie, a remercié au Centre international de l’audition et de la parole « Medincus » pour sa coopération scientifique et didactique qui pourrait augmenter les chances d’améliorer les soins auditifs dans son pays. Comme il a été souligné à la fin, ce qui compte le plus, c’est toujours le bénéfice pour les patients, et une proposition a été faite, celle d’organiser une session similaire avec les patients lors du prochain Congrès mondial d’audiologie prévu dans deux ans à Paris. « Ce débat sur les bonnes pratiques a été extrêmement fructueux, il a dépassé toutes mes attentes », a résumé le modérateur, le Prof. James Hall.
Un panel et une session scientifique ont été consacrés à la génétique de la perte auditive. Des études montrent que, chaque année, 1 à 6/1000 enfants viennent au monde avec une perte auditive sévère. Dans la grande majorité des cas, elle est causée par les gènes GJB2 et GJB6. Cependant, il y a beaucoup plus de gènes responsables de la déficience auditive (estimés à plus de 200), mais la connaissance des causes génétiques de la déficience auditive est encore faible. Au cours des présentations, les résultats d’une recherche mondiale de nouvelles mutations responsables de divers types de troubles auditifs ont été exposés par des généticiens. Comme cela se fait dans le département de génétique de l’IPPA, ces études sont menées auprès de patients (enfants et adultes), y compris ceux qualifiés pour une implantation cochléaire, ou sur des modèles animaux (Poisson-zèbre).
La session sur la prévention de la perte auditive était extrêmement importante, dans le contexte de l’augmentation des problèmes auditifs dans le monde, causés entre autres par le bruit omniprésent. Dr N. F. Moroe, de la clinique d’audiologie de l’Université de Johannesburg, a présenté les résultats extrêmement intéressants d’une étude par questionnaire auprès de chauffeurs de taxi, ainsi que de conducteurs de transports publics, montrant les effets d’une exposition à long terme au bruit urbain. La plupart des participants ont déclaré souffrir d’acouphènes, avoir les oreilles bouchées ou avoir des problèmes d’audition. Cependant, sur les 78% de participants ayant signalé des plaintes, jusqu’à 74% n’avaient jamais été informés (avertis) des effets nocifs du bruit sur l’audition. La conscience du problème dans le groupe professionnel étudié est donc négligeable. Ces personnes, comme l’a souligné le Dr Moroe, devraient recevoir des soins audiologiques, et il incombe aux audiologistes locaux de faire prendre conscience de la nocivité du bruit pour l’audition. C’est en fait la mission de tous les spécialistes du monde entier, car, comme cela a été souligné au cours de la session, le bruit est considéré comme l’un des « polluants » les plus dangereux. Heureusement, il y avait aussi de bonnes nouvelles. Les chercheurs mènent les études pour savoir si la perte auditive due au bruit peut être prévenue, du moins dans une certaine mesure, par la prise de composés antioxydants. L’exposition au bruit provoque, entre autres, une inflammation et une chute des radicaux libres et un stress oxydant qui endommagent les cellules auditives de la cochlée. Les substances contenant des antioxydants, comme la propolis (mastic d’abeille), signalées par le Dr T.S. Baytok de l’Université Istambul Aydlin dans l’un des articles présentés, annulent ces processus négatifs, d’où leurs effets positifs sur la santé et, apparemment, également sur l’audition.
Le congrès comprenait 55 sessions scientifiques et 12 sessions spéciales, 23 conférences principales (keynote lecture), 12 panels de discussion et 2 tables rondes. Pendant la cérémonie de clôture, le Prof. Henryk Skarżyński a remercié tous les participants de cette première réunion après la pause pandémique (qui était aussi la plus nombreuse) venus à Kajetany et à Varsovie de tous les continents.
« Au cours des dernières années, nous avons appris que l’amélioration de la communication joue un rôle important dans l’échange global de connaissances dans tout domaine scientifique, y compris l’audiologie. L’ISA a tenu compte des besoins actuels en créant un système de communication via Internet. Nous avons toutefois constaté que la communication via les médias électroniques ne remplace pas les réunions où les scientifiques ont la possibilité de prendre part aux discussions sans la distance qui les sépare et dans une atmosphère détendue », a déclaré le Professeur. Kurt Stephan, président de l’ISA, a souligné tout au début du Congrès que c’était la communauté des audiologistes de Varsovie qui avait créé l’occasion d’une telle rencontre. Le prochain Congrès mondial d’audiologie est prévu en septembre 2024 à Paris.
L’un des derniers points du programme du Congrès, mais le plus attendu, était la Conférence Aran Glorig (Aran Glorig Oration). Les conférences en mémoire de l’un des plus mérité médecins dans l’otorhinolaryngologie font partie d’une tradition des congrès de l’ISA. Cette année, elle a été donnée par le Docteur Ross Roeser, depuis des dizaines d’années considéré comme le leader en audiologie. Outre ses travaux sur l’application des appareils auditifs pour améliorer les capacités de communication, il avait également joué un rôle important en contribuant à la définition et à l’extension du champ d’activité des audiologistes aux États-Unis. Il était l’un des fondateurs de l’American Auditory Society et de l’American Academy of Audiology. Il avait également fondé le premier magazine de l’audiologie Ear and Hering, dont il est rédacteur en chef. Il est aussi rédacteur en chef émérite de l’International Journal of Audiology. Médecin et rédacteur avec beaucoup d’expérience, et, d’après tout, une autorité incontestée, il a consacré son Aram Glorig Oration à la recherche de la vérité scientifique en audiologie. Comme il l’a souligné, cette vérité devient de plus en plus difficile à retrouver dans l’océan d’informations non vérifiées et fake news sur Internet. Elle est aussi difficile à retrouver car notre perception du monde par le biais de nos sens peut être déformé. « Ne crois pas à ce que tu entends et ne crois qu’a moité de ce que tu vois ou lis », a plaisanté le Prof. Roeser. Il a également insisté que les publications scientifiques soient dûment vérifiées par les commissions scientifiques.
Le dernier jour du Congrès a été marqué par une session spéciale de l’Organisation mondiale de la santé, au cours de laquelle le Dr Shelly Chadha a présenté les résultats d’un rapport de l’OMS publié l’année dernière, selon lequel, d’ici 2050, près de 2,5 milliards de personnes dans le monde seront malentendantes. Selon les estimations, au moins 700 millions de personnes devront avoir accès à des soins spécialisés. Le bruit, l’utilisation de divers appareils électroniques équipés d’écouteurs (environ 1,1 milliard de jeunes risquent de subir des dommages auditifs en écoutant de la musique au moyen d’écouteurs) et les infections de l’oreille, entre autres, seraient les causes du pourcentage croissant de personnes souffrant de problèmes auditifs. La plupart de ces problèmes peuvent être évités. L’OMS a élaboré une stratégie de prévention des lésions auditives, qui comprend notamment le dépistage des troubles de l’audition dans tous les groupes d’âge, la prévention des maladies de l’oreille et leur traitement approprié, la réduction du bruit, la diffusion de connaissances sur les risques pour l’audition et sur les possibilités de traitement des troubles auditifs. Faisant référence au concept de dépistage universel de l’audition et aux interventions médicales, Dr Shelly Chadna a souligné que l’argent dépensé pour de telles interventions n’est pas un coût, mais un investissement dans la santé : globalement, 1 dollar dépensé pour la prévention et le traitement rapporte 16 dollars de bénéfices (les personnes qui évitent une déficience auditive ne seront pas une charge pour les budgets des États).
Le grand défi, comme le souligne l’OMS, est d’accroître l’accès aux soins médicaux pour les personnes souffrant de déficience auditive. Malheureusement, aujourd’hui, la majorité des patients (environ 70 %) du monde entier n’ont pas accès au diagnostic et au traitement de l’audition. L’OMS se concentre donc sur les actions visant à changer cette situation. Soulignant que toute personne souffrant d’une déficience auditive devrait avoir la possibilité de bénéficier d’un traitement et d’une réadaptation à l’avenir, il insiste sur la nécessité de développer les installations spécialisées et d’augmenter le nombre de spécialistes.
C’est ce dernier problème qui a été évoqué par les experts lors d’un panel de discussion sur les modèles de formation en audiologie, présidé par le Prof. Artur Lorens avec la participation du Prof. R. Rajeswaran, de J. Hall et S. Hatzopoulos. Compte tenu de l’ampleur des problèmes d’audition dans le monde, le nombre des audiologistes est toujours insuffisant. La situation est dramatique : il n’existe aucune possibilité de formation en audiologie dans les pays en développement et un seul spécialiste pour plusieurs (1-10) millions de personnes (!). Dans certaines régions du monde, il y a 100 à 1000 fois moins d’audiologistes qu’en Europe. Cependant, même sur le Vieux Continent ou en Amérique, la formation des spécialistes dans ce domaine doit être améliorée. Comme cela a été souligné au cours de la session, différents pays ont des modèles de formation différents. Par exemple, en Pologne, l’audiologie est l’une des spécialités médicales, mais ce n’est pas la solution adoptée dans tous les pays : déjà aux États-Unis, un audiologiste n’a pas besoin d’être médecin. Comme il a été souligné, l’audiologie est un domaine très vaste qui comporte des éléments de médecine, de physiologie, de psychologie, d’ingénierie et autres. La question reste donc ouverte : quel type de modèle de formation promouvoir, en tenant compte de l’apprentissage en ligne, afin qu’à l’avenir, comme le suppose l’OMS, chaque patient qui en a besoin puisse bénéficier d’appareils d’aide à l’écoute appropriés.
Au cours de la dernière journée du Congrès, le sujet précédemment discuté a été poursuivi, à savoir les avantages des implants cochléaires dans différents groupes de patients, notamment ceux présentant une audition asymétrique, le syndrome de Cogan, une surdité unilatérale et d’autres encore. Dans le cas d’enfants nés avec cette dernière déficience, le traitement, comme l’a souligné le Prof. A. van Wieringen de l’University Hospitals Leuven en Belgique, est extrêmement important, car la surdité unilatérale rend non seulement difficile la localisation des sons et la compréhension de la parole dans le bruit, mais entraîne également des risques liés au retard du développement de la parole. La pose d’un implant cochléaire dans une oreille sourde permet de rétablir une audition binaurale. Selon l’étude, plus ce traitement est effectué tôt, meilleurs sont les résultats escomptés. Malgré cela, en Belgique, comme dans beaucoup d’autres pays, le traitement par implantation d’une oreille sourde n’est pas la norme. À son tour, le Dr M.J. Kwak du Collège de médecine de l’Université d’Ulsan à Séoul a souligné les avantages des implants cochléaires chez les patients les plus âgés atteints de perte auditive neurosensorielle. Son groupe d’étude comprenait des personnes âgées de 60 à 80 ans qui avaient une bonne compréhension de la parole lors des tests et d’autres qui avaient des problèmes avec celle-ci. L’étude a montré que le degré de compréhension de la parole chez les patients implantés dépendait de la durée de la perte auditive (ceux qui avaient une courte histoire de perte auditive avaient des résultats plus favorables). L’âge du patient au moment de l’implantation ne jouait un rôle important dans la compréhension de la parole des personnes âgées. C’est une information très importante, car dans les sociétés vieillissantes, y compris la société polonaise, le groupe des personnes âgées, dans lequel environ deux tiers des personnes ont des problèmes de communication, est en augmentation constante.
L’une des sessions de la dernière journée était consacrée à l’ototoxicité. Ce ne sont pas que certains médicaments qui peuvent constituer un risque pour l’audition, mais aussi les solvants organiques tels que le toluène et le xylène présents dans l’environnement de travail, comme le rapporte le Dr A. Fuente de l’Université de Montréal, qui a présenté les résultats d’études humaines et animales montrant que l’exposition à ces composés peut endommager les cellules auditives. Dans une expérience, lorsque les animaux ont été exposés simultanément aux solvants et au bruit, un effet synergique s’est produit. En outre, l’exposition aux solvants peut entraîner une perte d’audition centrale, selon des études menées sur des volontaires.
Tout ce qui a été décrit ci-dessus ne fait qu’une partie de questions abordées pendant la dernière journée du Congrès. Les experts ont approché de nombreux autres sujets spécialisés, comme le rôle d’examens électrophysiologiques en tant qu’examens objectifs dans le diagnostic de l’audition, les outils d’évaluation de la compréhension de la parole, les tests de dépistage de troubles centraux de l’audition dont entre autres le test Gaps in Noise (GIN) utilisé depuis 2005. La discussion a également porté sur le type de modèle d’formation en audiologie qui pourrait être considéré optimal et sur ce qui est encore à améliorer dans le modèle actuel.
Une touche agréable pendant la cérémonie de clôture du Congrès était la remise des prix. Le prix Audiology Reaserch Best Poster Award (le meilleur affiche) a été décernée à Pushkar Deshpande (Danemark). L’autre prix, Journal of Hearing Science Best Oral Presentation Award (meilleure intervention) a été attribué à Mukovhe Phanguphangu (RPA).